Ressources

L’accélération de l’investissement des collectivités dans la transition énergétique.

« On peut gouverner de loin, on n’administre bien que de près ».

En mars dernier, une commission d’enquête présidée par Thomas Cazenave rendait son rapport d’information, suite aux rencontres à l’Assemblée nationale. Le but était d’établir un état des lieux de l’investissement public local, et de lever les freins à l’investissement public dans la transition.

Les collectivités territoriales représentent près de 70 % de l’investissement public civil, soit 65 Milliards d’euros en 2021.

Comme le dit Christophe Béchu, Ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires :
« vous aurez beau décréter tous les plans depuis Paris, au final, c’est le maillon final de décision qui oriente les finances publiques ».


Les collectivités territoriales ont donc un rôle décisif dans la transition écologique.

Vers une accélération des investissements

Dans un rapport publié en octobre 2022, la Cour des comptes se félicitait de l’amélioration durable des finances locales depuis 2014, et constatait à quel point la situation financière des collectivités territoriales était « saine » et « équilibrée ». En effet depuis les années 2010, les collectivités territoriales se sont engagées dans un mouvement global de consolidation budgétaire, à la suite d’une période marquée par la dette.

Cependant, ce redressement de l’état des finances locales s’est effectué au détriment des dépenses publiques. Les budgets locaux sont désormais pilotés par des indicateurs financiers, et non plus par leur finalité, à savoir le soutien à l’investissement local. Le moyen, c’est-à-dire le budget, devient ainsi la finalité.

Malheureusement, l’inaction que cela entraîne a un coût.  Le retour de l’inflation et la remontée des taux d’intérêt se conjuguent pour donner au temps un prix plus élevé. Si l’on considère un taux d’inflation de 5 à 7 % et un taux d’intérêt de 3 %, une trésorerie non rémunérée perd annuellement 8 à 10 % de sa valeur.  D’autre part, la baisse de l’investissement local a par exemple entraîné la baisse des dépenses d’entretien du patrimoine. Mais ces dépenses ne sont pas une option, et une dette sur l’état du patrimoine se crée pour améliorer la dette budgétaire. Il y a donc un « arriéré » sur les dépenses du patrimoine, sur lesquelles il faudra revenir.

Vers une accélération des investissements

Or le montant des dépenses actuelles du bloc local aux fins d’atténuation du changement climatique, soit 5,5 milliards d’euros par an, montre que les collectivités sont encore très éloignées de la cible. Il manquerait plus de 6,5 milliards d’euros par an d’investissements réalisés par les collectivités pour que le pays puisse espérer remplir ses objectifs, c’est-à-dire doubler le rythme de réduction de CO2 pour diminuer encore de 34 % nos émissions d’ici 2030.

D’après l’I4CE, ces investissements se concentrent principalement sur l’aménagement de pistes cyclables (3,3 Milliards), les transports en commun et la mobilité ferroviaire (3 Milliards d’euros), ainsi que la rénovation énergétique du patrimoine (2,7 Milliards d’euros). L’ensemble représente près de 20 % du budget d’investissement des collectivités locales, sans prendre en compte le coût de l’adaptation au changement climatique, encore estimé à 10 % du montant des investissements locaux.

L’État met en place des mesures incitatives, avec en 2023 l’ajout des 2 milliards d’euros du Fonds Vert aux 2 milliards de soutien à l’investissement local. Cinq jours après l’ouverture du site permettant le dépôt des demandes de crédits du Fonds vert le 27 janvier 2023, 1800 dossiers étaient enregistrés, dont 800 portant sur la rénovation thermique. Le succès de ce projet semble reposer sur le fait qu’il ne s’agisse ni d’un Appel à Projet, ni d’un Appel à Manifestation d’Intérêt.

En effet, le manque de visibilité sur les subventions et financements disponibles freine les collectivités territoriales.
Seules les plus équipées en ressources humaines peuvent se transformer en « chasseurs de prime ».

L’idée d’une programmation pluriannuelle du financement public de la transition écologique émerge alors, une forme de contractualisation entre l’Etat et les collectivités. L’objectif est de rassurer les collectivités quant aux subventions et financements futures, afin de planifier leur transition en toute sérénité.

Création d'une dette verte

Vers la création d’une dette verte

Selon les données publiées par l’OGFL, le délai de désendettement de l’ensemble des collectivités a été ramené à quatre ans et demi en 2021, alors qu’il était près de cinq ans et demi en 2015. Les lois de programmation des finances publiques fixant un seuil d’alerte de douze ans pour les communes, cela rend cette durée largement inférieure.

Les collectivités sont donc en mesure d’investir dans de nouveaux projets. Aujourd’hui en 2023, c’est-à-dire à mi-mandat, les collectivités ont restitué leurs marges de manœuvre et préparent les nouveaux financements. Sur le terrain, ces investissements visent en premier lieu à améliorer le cadre de vie des habitants, ou la qualité du service public. La transition écologique arrive plutôt dans un second temps.

De plus, les investissements dans la transition écologique représentent un montant conséquent, avec un temps de retour sur investissement très long. Il est nécessaire de financer l’avenir, mais sans pour autant détériorer les finances. Sur un plan politique, le niveau d’endettement donne l’occasion à l’opposition locale de critiquer la gestion financière de la collectivité. Sur un plan institutionnel, il légitime l’intervention des autorités de contrôle de l’État, notamment de la direction générale des finances publiques, qui ne prennent pas en compte les éventuelles économies réalisées par la collectivité, par exemple en matière de consommation d’énergie. 

Ceci explique en partie pourquoi le levier de la dette n’est pas pleinement mobilisé. De plus, les indicateurs financiers ne sont pas adaptés. Les charges de fonctionnement évitées par certains investissements, par exemple la réduction des factures d’énergie grâce à la rénovation thermique, ne sont pas prises en compte dans l’analyse contrairement aux bénéfices directs.

Tout investissement « vert » doit donc être analysé à l’aune du coût complet de l’installation concernée et non uniquement de son amortissement comptable. Une telle démarche permet de comprendre qu’un équipement neuf n’est pas toujours rentable sur un plan économique, notamment s’il contient des matières à forte empreinte carbone ou simplement si son exploitation requiert une forte consommation d’énergie.

L’idée d’une dette verte ressort alors plusieurs fois à l’Assemblée Nationale. Une dette qui permet d’éviter de futures dépenses et conduit à des gains climatiques immédiats doit être valorisée, et non pas limitée par l’analyse financière actuelle. Cela suppose de faire évoluer les normes historiques sur  la situation financière du secteur local, en interne et lors d’une évaluation par une institution externe. La notion d’un « budget vert » intégrant les externalités positives des investissements et, a contrario, la dette écologique issue d’une inaction des acteurs locaux pourrait contribuer à l’évolution du regard porté sur l’endettement public local. Il n’existe cependant pas encore de consensus sur la méthodologie à déployer, celle-ci est à imaginer.

Augmenter les ressources humaines dédiées

« Une accélération des investissements semble logiquement aller de pair et même être précédée par une augmentation des dépenses de fonctionnement sur la fonction environnement. », selon une étude conjointe de l’AFL et de l’INET. Pour augmenter les investissements dans la transition écologique, il faudra donc créer de nouveaux emplois dédiés.

Ainsi, d’ici 2025, les collectivités devront combler plus de 25 000 emplois équivalents temps plein pour lancer et animer les investissements destinés à atteindre la neutralité carbone.

Attention cependant, car il ne s’agit pas ici d’ingénierie traditionnelle. Dans le cadre de la transition écologique, une approche systémique doit permettre de prendre en compte de très nombreux paramètres, depuis le choix des matériaux jusqu’aux évolutions futures du climat.

Les collectivités devront chercher à internaliser au maximum cette compétence, même si cela entraîne une augmentation des dépenses de fonctionnement. Il s’agit en effet d’assurer la pérennité des projets qui s’inscrivent dans un temps long. De plus, la construction de ces compétences en interne permettra la diffusion des bonnes pratiques auprès des parties prenantes, privé y compris, sur le territoire considéré. 

La connaissance du territoire, et du patrimoine bâti de la collectivité, est un enjeu crucial pour réussir sa transition. Afin de planifier la rénovation énergétique de son parc, il est nécessaire d’établir un diagnostic de son état actuel, et de conserver de façon claire la documentation liée à chaque site pour pouvoir le suivre dans le temps.

Création de nouveaux emplois pour l'investissement
L'investissement grâce à lowit

Conclusion

Le sujet de l’application des politiques de transition écologique brûle, et l’objectif de cette commission d’enquête était d’en étudier les verrous au niveau des collectivités.

A la suite des tables rondes à l’Assemblée Nationale, plusieurs perspectives semblent se dégager, notamment la séparation des investissements traditionnels et du budget vert, ainsi que la mise en place d’une programmation pluriannuelle du financement public de la transition écologique.

Le projet de loi 2024 pourrait directement intégrer la notion de dette verte afin de valoriser les collectivités engagées dans cette démarche.

Rencontrez un expert et assistez à une démo

Prendre RDV avec un expert